jeudi 11 août 2011

Les caméras en public

L'autre jour, un usager du transport en commun a envoyé à MonTopo un clip filmé avec son cellulaire d'un chauffeur d'autobus en train de faire ses mots croisés (ou sudoku, whatever) pendant qu'il conduisait, trouvant que ce n'était pas un comportement sécuriaire.  Quelques jours plus tard, le syndicat représentant l'employé, sans préciser la sanction ni insister sur le fait qu'ils considèrent inacceptables ce genre de comportements, avancent qu'on ne devrait pas tolérer que des gens puissent prendre des photos ou des vidéos à bord des autobus, et que c'est ce geste là qui devrait être interdit.  Le point principal de leur argumentation est que c'est pas correct pour les chauffeurs d'être exposé au risque d'être filmé alors qu'ils travaillent.

Pourtant, ce n'est pas nouveau que notre vie hors de la maison est suivie constamment par des caméras privées.  Nous sommes tous films ou pris en photo plusieurs centaines de fois dès qu'on sort de chez nous pour prendre le métro et aller au travail, par les caméras surveillant la circulation, la caméra en circuit privé du dépanneur, celles installées dans le métro et dans les autobus ainsi que dans la tour à bureau, le stationnement intérieur, le centre-d'achat, même certaines toilettes publiques!  Une réflexion sur les dangers et les déraillements possible d'une telle omniprésence des caméras existe depuis plusieurs années, mais ce qu'on entend aujourd'hui de la part du syndicat ne prétend pas à une noble réflexion éthique sur l'omniprésence des caméras dans notre société.  C'est de l'hypocrisie pure.

Je m'explique.  C'est le syndicat qui ont demandé les premiers à mettre des caméras dans les autobus, pour protéger les chaffeurs des agressions.  Ces caméras installés à un endroit précis ont un angle unique de vue.  Imaginons qu'un chauffeur se fasse agresser et que la caméra de l'autobus ne puisse pas voir le visage de l'agresseur, mais qu'un passager avec son iphone filme le tout et permet l'identification du suspect.  Est-ce que le syndicat ne serait pas aux anges qu'un bon samaritain aie filmé la scène avec son téléphone?  On ferait l'éloge des bienfaits de la présence de caméras dans les lieux publics et on insistera sur le fait que leur omniprésence rend notre monde plus sécuritaire.  Pourtant, lorsqu'un membre est pris en faute, alors là les caméras deviendraient dangereuses et devraient être interdites à bord des autobus?  Pourquoi les chauffeurs d'autobus devraient-ils être exempt du risque de se faire prendre quand ils font quelque chose de pas correct alors que la plupart d'entre nous devons accepter sans broncher la surveillance constante des caméras dans nos lieux de travail?

Ceci m'amène aussi à étendre la réflexion aux lois qui font qu'on doit demander des permissions pour pouvoir utiliser des photos des gens ou des batiments.  Sur ce point, comme sur celui des caméras de sécurité, je suis très radical.  Si cela se passe en public, et que je peux le voir avec mes yeux, je devrais avoir le droit de le filmer ou de le prendre en photo sans demander l'autorisation de personne.  Que ce soit des policiers en train de procéder à une arrestation (souvent les policiers disent aux gens d'arrêter de filmer et vont même à menacer d'arrestation pour ne pas avoir écouté un ordre des policiers si la personne n'arrête pas de filmer), que ce soit pour filmer un chauffeur d'autobus qui fait ses sudokus en conduisant, ou pour bien pour identifier des casseurs et des fauteurs de troubles dans une émeute après un match du Canadiens, je trouve hypocrite que les mêmes institutions qui nous demandent d'accepter sans broncher leur surveillance vidéo omniprésente tente de limiter notre pouvoir à capter nous aussi des images sur ce qui se passe et à les diffuser rapidement, sauf quand ca fait leur affaire.

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